20/11/2025

Sécuriser un accident sur la route : protéger sans s’exposer

Sur la route, chaque minute compte… mais chaque geste aussi

Un accident de la route ou sur la voie publique, ça ne prévient pas. On sort du supermarché, on entend un grand bruit, on voit du monde s’agiter autour d’une voiture, d’un vélo, d’un piéton à terre. Ce n’est rarement “comme dans les films”, mais c’est souvent tellement soudain.

Dans ma réalité d’infirmière aux urgences, on retrouve trop souvent un constat simple : au début, il y a eu des bonnes intentions, mais parfois, on oublie de penser à sa propre sécurité. Et malheureusement, un sauveteur en difficulté, c’est un problème en plus, pas une solution en plus.

Ici, on va parler d’un réflexe clé : sauver sans se mettre en danger soi-même. Protéger les autres, oui, mais se protéger avant tout. Parce qu’on ne sauve personne si on devient une victime de plus.

Protéger : le 1er réflexe vital (avant même de porter secours)

Oui, la tentation est grande de courir vers la personne blessée. Mais sur la voie publique, il y a beaucoup de risques cachés :

  • Circulation qui continue (camions, voitures, vélos, scooters)
  • Dangers visibles… et invisibles (essence qui coule, poteaux électriques, chaussée glissante)
  • Effet “attroupement” qui aggrave la confusion

Protéger la zone, c’est :

  • Limiter les risques d’un sur-accident
  • Éviter la panique et garder un maximum de maitrise
  • Permettre aux secours professionnels d’accéder sans gêne

Selon la Croix-Rouge, 35% des accidents de la route impliquent un sur-accident (c’est-à-dire un 2ème accident au même endroit, juste après le premier) (source Croix Rouge).

Voilà pourquoi, avant même d’aider la victime, on agit pour sécuriser.

Étape 1 : Évaluer la situation sans précipitation

Un simple coup d’œil bien fait vaut mieux qu’un geste précipité. On pose des questions autour de soi ou on observe :

  • Y a-t-il un risque immédiat ? (Circulation, feu, fumée, bruit de déversement, poteau tombé…)
  • Combien de blessés ? Combien de véhicules ? D’autres dangers ?
  • Suis-je en sécurité pour m’approcher ? (Visibilité, passage piéton, trottoir…)

On oublie souvent que regarder, c’est déjà agir. Le but ici : ne pas être la “deuxième victime”.

Étape 2 : Signaler et baliser sans s’exposer

La signalisation, c’est plus important qu’on croit. Un accident invisible (après un virage, de nuit, sous la pluie…) peut provoquer une catastrophe en chaîne.

  • Avant de sortir de votre véhicule, enfilez un gilet jaune, si vous en avez un (même si vous n’êtes pas le conducteur).
  • Allumez vos feux de détresse pour les automobilistes.
  • Placez un triangle de signalisation : 30 mètres minimum avant le site de l’accident sur route (soit environ 30 grands pas).
  • Jamais sur l’autoroute où il ne faut pas aller sur la chaussée, c’est trop risqué. Sur l’A86, chaque année, plusieurs personnes meurent après être descendues sur la bande d’arrêt d’urgence (source : Sécurité Routière).
  • De nuit : lampe torche, portable pour signaler, mais toujours poings levés et dos à la circulation pour être vus sans tourner le dos.
  • Si possible à plusieurs : déléguer la signalisation à d’autres personnes venues prêter main-forte.

Une étude de la sécurité routière (sécurite-routière.gouv.fr) montre que signaler et baliser réduit le risque de sur-accident de 70%.

Étape 3 : Se mettre soi-même à l’abri

Trop de personnes se font happer parce qu’elles restent sur la chaussée, ou sont distraites par l’urgence.

  • Jamais sur la route, toujours sur le bas-côté ou sur un terre-plein central si possible.
  • Sur autoroute : ne pas descendre, ou alors se placer derrière la barrière de sécurité.
  • En attendant les secours : ne jamais rester dans la trajectoire des véhicules.

Parfois, « je ne pouvais pas rester sans rien faire ! » Oui, mais, « je me protège d’abord ». C’est la base en secourisme, et ce n’est pas qu’une “leçon”, c’est une assurance pour toutes les vies impliquées.

Étape 4 : Mettre en sécurité les personnes si possible… sans s’exposer

Sur un accident récent, j’ai vu un adolescent s’arrêter instinctivement devant un scooter. Il a simplement dit : « Reculez tous, c’est dangereux là ». Ce simple réflexe a probablement évité deux blessés de plus, car une voiture arrivait vite derrière.

Voilà ce qu’on peut faire :

  • Aider les personnes conscientes à quitter la chaussée si et seulement si c’est sans danger pour elles et pour vous
  • Si impossibilité de bouger, expliquer calmement : « Les secours arrivent. Restez là, ne bougez pas, vous êtes protégés. »
  • Demander au public : « Reculez, laissez de la place » est déjà une action de protection.

On n’intervient sur une victime (hors danger extrême, incendie par exemple) que si on ne se met pas en danger.

  • Déplacer une personne inconsciente ? Uniquement si incendie, noyade, risque immédiat (et attention au dos, et à la nuque !)

L’Institut Pasteur rappelle qu’un déplacement inutile multiplie les risques de lésion de la moelle épinière (source).

Étape 5 : Appeler les secours et donner un maximum d’informations claires

On pense souvent qu’« appeler le 112 ou le 18 », c’est automatique. Pourtant, chaque année, les délais augmentent quand les infos sont brouillées.

  • Lieu précis (un repère, un numéro de rue, une sortie d’autoroute, un magasin proche)
  • Nature de l’accident (voiture contre vélo, chute sur le trottoir, piéton renversé…)
  • Nombre de blessés, et leur état apparent (conscient, non conscient, coincé, saignement important…)
  • Si la zone est protégée (oui/non) : ça aide les secours à s’organiser

On reste en ligne tant que les secours ne disent pas de raccrocher. Ce dialogue peut sauver des minutes, et donc des vies.

Pourquoi on ne doit pas culpabiliser… mais préparer

On n'est pas formé à tout. Souvent, dans le stress, on oublie ce qu’on a vu dans des brochures ou sur des affiches.

En France, seulement 40% des adultes disent se sentir capables d’agir en premier secours selon une enquête Santé Publique France (source : “Baromètre santé sécurité 2023”).

S’accorder quelques minutes de préparation, c’est déjà beaucoup :

  • Vérifier si on a un gilet jaune et un triangle dans sa voiture
  • Repérer l’application “112” sur son téléphone
  • Parler à ses proches de ce qu’on ferait ensemble si une situation arrivait

Personne n’est “nul” en premiers secours. On ne nous enseigne pas assez ces gestes, c’est tout. Chaque lecture, chaque partage, ça compte.

Exemples vécus : des réflexes qui font la différence

  • Sur un parking d’école, une enseignante a organisé une chaîne humaine : gilet jaune, signalisation, puis a réparti deux personnes pour guider les secours à l’entrée. Le blessé a été secouru sans encombre.
  • Lors d’un accident de vélo, une passante a juste crié « Reculez, il peut y avoir de l’essence ! » Personne n’a approché sans réfléchir, ce qui a évité un afflux de curieux… et de vrais drames.
  • Une fois, un papa très calme a simplement dit “On protège, on appelle, puis on agit” à haute voix : cela a aidé tout le monde à reprendre pied. Comme quoi, parfois, un mot posé, une voix qui guide, ça change tout.

Ce ne sont pas “des héros”, mais des gens qui ont su garder en tête : protéger d’abord.

Petite fiche-réflexe : que retenir pour agir en sécurité ?

  • J’observe la scène avant tout (jamais tête baissée dans l’action)
  • Je me protège : gilet, bas-côté, pas sur la route
  • Je signale : triangle, appels de phares, appel aux passants pour aider
  • J’éloigne le public du danger (gentiment mais fermement)
  • Je vérifie l’état des personnes, sans déplacer sauf extrême urgence
  • J’appelle les secours avec le maximum de précision

On agit par étapes, on communique calmement, on garde à l’esprit que la meilleure aide souvent, c’est d’éviter d’aggraver. Et parfois, ça suffit.

Vers un réflexe collectif : la sécurité, c’est l’affaire de tous

Quand on connaît ces étapes, ce n’est pas pour faire “le héros”, mais pour devenir un maillon solide dans la chaîne du secours. Une chaîne qui commence parfois simplement par : “On recule ”, “On protège ”, “On alerte ”.

Si vous avez lu ce guide, c’est déjà la preuve d’une vraie citoyenneté. Votre intention, c’est déjà ce qui fait la différence. La sécurité sur la voie publique, c’est l’affaire de tous, et ça commence avec des gestes qui protègent… pour de vrai.

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